Taxe sur les télécommunications : une injustice et des mécontents

Article : Taxe sur les télécommunications : une injustice et des mécontents
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26 août 2016

Taxe sur les télécommunications : une injustice et des mécontents

Le 1 juillet dernier, alors que je faisais mon tour quotidien des sites d’information guinéens, j’ai eu la mauvaise surprise de tomber sur un communiqué du ministère des télécommunications. Ledit communiqué, informait les guinéens de la rentrée en vigueur d’une nouvelle taxe sur les télécommunications votée par l’assemblée nationale depuis mars, sans que le commun des citoyens ne le sache. Cette taxe augmente de 12% le tarif des appels téléphoniques. Désormais, pour chaque seconde d’appel, il faut compter 1 franc de plus.

Vers un changement des habitudes téléphoniques ?

Aussitôt rentrée en vigueur, cette taxe a changé les offres de différentes sociétés téléphoniqueset a plutôt favorisé une uniformisation des tarifs. Chez la quasi-totalité des opérateurs, la minute d’appels est passée de 600(pour certains) à 660 FG (50 à 55 Francs CFA). Le mécontentement de l’écrasante majorité de mes concitoyens est plus que compréhensible : 60 FG de plus, c’est beaucoup pour les Guinéens dont le salaire moyen est estimé à 38 Euro (25.000 Francs CFA).

Avec cette taxe, presque plus d’appels gratuits. L’expression « numéro vert » perd son sens. Car maintenant, même les appels vers ses numéros sont taxés. Il faut débourser au moins 60 FG pour joindre par exemple le 116 pour signaler un cas de mutilations génitales féminines. 60 FG par minutes aussi pour joindre le service clients des différents opérateurs téléphoniques. Seul le 115 pour signaler des cas d’Ebola reste gratuit.

Les promos bonus des différents opérateurs, très prisés, ont aussi subi cette taxe. Résultats, tous ont un peu changé. MTN par exemple a réduit les jours de bonus promos 50% hebdomadaire de 2 à 1 jour. Orange conditionne l’utilisation des bonus qu’il offre les vendredis par la disposition de crédit pouvant payer la taxe. Un client aura donc besoin de 1200 FG pour utiliser 10.000 FG de bonus.

Les jeunes ressentent le plus ces changements. Une part de plus en plus grand de notre maigre revenu est englouti dans l’achat de cartes de recharges pour effectuer des appels et surfer sur internet. Néanmoins, plus que tous, nous avons le choix et pouvons changer d’habitudes téléphoniques pour économiser. En priorisant par exemple l’usage des SMS et d’applications comme Viber, j’ai pour l’instant réussie à éviter l’explosion de mes dépenses liées au téléphone. Surtout écrire et parler quand c’est nécessaire est mon nouveau leitmotiv.

Ebola, un alibi

Les autorités justifient l’instauration de cette taxe par l’assemblée nationale par les dégâts causés par l’épidémie d’Ebola sur l’Economie nationale. Les caisses de l’Etat sont vides, il faut chercher un moyen de les remplir.

Bref, rien d’originale! Pendant ces derniers mois, Ebola a été utilisé pour justifier l’injustifiable et tous les échecs. Il n’y a pas eu d’élections communales comme prévue en 2012, c’est parce qu’il y a eu Ebola. La croissance de l’économie est faible, c’est aussi par la faute d’Ebola. En réalité, organiser les élections communales n’a jamais été la priorité et l’économie n’a jamais connu une forte croissance ces dernières années.

Je suis d’accord avec les autorités guinéennes que l’Epidémie a eu de sérieuses répercussions sur ses recettes, mais le bas peuple est celui qui en a le plus ressenti les conséquences, notamment économiques. Avec cette taxe, l’Etat est entrain de presser ses citoyens comme des citrons pour en extraire le jus. Ce n’est pas exagéré de parler d’arnaque car on oblige les citoyens à payer une taxe à laquelle ils n’adhèrent pas. Je trouve cela très injuste.

Les caisses de l’Etat ne sont pas aussi vides que les autorités le prétendent. Au-delà du financement de la lutte contre l’épidémie, des centaines de millions de dollars d’aide budgétaire et autres dons ont été octroyés aux pays touchés par la communauté internationale et les institutions financières depuis le début de la crise sanitaire. Ces pays ont aussi vu leur dette annulée par plusieurs autres pays et institutions. Alors, si les caisses sont vraiment vides, où est partie toute cette aide ?

D’ailleurs, la logique voudrait que si les caisses commencent à se vider, qu’on réduise nos dépenses. Mais depuis le début de cette crise, rien n’a changé dans la gestion de nos ressources. Nos fonds continuent à être mal utilisés et dilapidés. La présidence n’a rien réduit à son pharamineux budget de plus d’un milliard de Francs guinéens par jour qui sert surtout à entretenir la pléthore de ministres et conseillers du président. Pourquoi, nous devons serrer la ceinture alors qu’eux se servent dans nos maigres moyens ?

Selon Oyé Guilavogui, ministre de la télécommunication, il y a à peu près 24 millions d’appels dans le mois. Quand on multiplie, comme il le suggère, les 60 FG par ce nombre, on trouve la bagatelle de 1,4 milliard de FG. Ce montant va surtout permettre de maintenir l’insolent train de vie de nos hauts cadres.

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