La liberté de la presse en Guinée en danger

Article : La liberté de la presse en Guinée en danger
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26 août 2016

La liberté de la presse en Guinée en danger

La Haute Autorité de la Communication (HAC) de Guinée, c’est l’histoire d’une institution qui a suscité de l’espoir à sa création, mais qui dès son installation s’est révélée être un grand prédateur de la liberté de la presse. L’institution sensée réguler le secteur médiatique guinéen est en réalité la plus grande promotrice de la censure. Je n’exagère rien. Il faut examiner ses actes pour se rendre compte de la menace qui pèse sur la presse libre et indépendante.

Une décision qui ne passe pas

La dernière décision d’une vingtaine d’articles publiés par l’institution le 1er juin 2015 est tout simplement scandaleuse. Dans son article 3, cette décision interdit purement et simplement aux journalistes guinéens « l’usage des genres d’opinions tels l’éditorial, le commentaire, la chronique, le billet» de la période allant du 1er juin à l’ouverture de la campagne électorale. Dans le même article, les revues de presse incluant des commentaires ou d’une durée de plus de 10 min sont interdites. De même, les émissions interactives très populaires sont aussi visées. Elles doivent désormais faire l’objet de pré-enregistrement avant leur diffusion.

Cette décision du régulateur du secteur médiatique guinéen a eu une véritable onde de choc dans le monde de la presse. L’indignation des journalistes fut grande. La consternation totale. Sur les réseaux sociaux et dans les rédactions, les mots pour qualifier le comportement de la HAC sont très durs. Dans une déclaration, les associations de presse sont montées au créneau pour fustiger ce qu’elles ont appelé « tentative de musellement de la presse guinéenne ». Elles préviennent qu’elles ne vont pas accepter que la liberté de la presse soit confisquée. Les autres guinéens qui ont goûté aux délices d’une presse pluraliste et indépendante, non plus.

Un condensé de banalités et d’aberrations

Face aux nombreuses critiques, la HAC a été obligé de faire marche arrière moins de 24 heures après la publication de la décision et de présenter ses excuses aux journalistes et citoyens qui « n’ont pas bien interprété certains partie de sa décision ». Par conséquent elle n’interdit plus l’usage des genres d’opinions mais appelle les journalistes à plus de professionnalisme dans leur usage.

Pour plusieurs journalistes comme pour l’ONG Reporter Sans Frontière (RSF ) , les excuses et la modification d’une partie de la décision sont largement insuffisantes. C’est toute la décision qui doit être purement et simplement annulée. Je partage cette position car je ne vois pas la nécessité de cette décision. Il a déjà une loi (L002/CNT/2012) très claire qui encadre les activités des médias et l’exercice du métier de journalisme.

La HAC a-t-elle besoin de sortir cette piteuse décision pour apprendre aux journalistes des dispositions légales connues de tous et globalement appliquées comme le droit de réponse ou la nécessité de préserver l’unité nationale ? Non. Elle n’avait qu’à épingler les médias et les journalistes indélicats qui violent la loi.

En réalité, c’est un condensé de banalités et d’aberrations qui nous a été servi. Les banalités y ont été incluses pour camoufler et faire passer les inacceptables aberrations visant à clouer le bec de la presse avant la présidentielle de 2015.

Une disposition comme celle qui interdit les commentaires dans les revues de presse ridiculise tout simplement les membres de l’institution. Car par définition, la revue de presse regroupe les points de vue de divers médias autours d’un fait. Il s’agit surtout et avant tout d’explications, d’analyses et de commentaires. Mais si on interdit ces genres d’opinions, la revue de la presse dévient tout simplement un condensée de fait, un journal insipide. Le mieux pour les membres de la HAC serait alors de s’armer de courage et de l’interdire.

Je reconnais qu’il y a parfois des débordements et des écarts de langage que les animateurs tentent aussitôt de contenir dans les émissions interactives. Mais est-ce parce que certains débordent parfois qu’il faut priver les autres de leur droit de s’exprimer librement ? Je dis bien priver de leur droit à l’expression car je considère que demander aux « pauvres »s radios guinéennes de préenregistrer ces émissions très écoutées, c’est de les obliger à tout simplement arrêter. Elles n’en ont ni les compétences, ni les moyens.

L’unité face au mépris

A écouter certains membres de l’institution de régulation et certains politiciens comme le sulfureux ministre de la communication, on a l’impression que les journalistes guinéens sont de grands enfants irresponsables qui ne savent pas se tenir tranquille sans contrainte et qui mine de rien mettront le feu au pays. C’est méprisant, insultant et blessant! C’est surtout très dommage car la plupart des premiers sont issus des associations de presse (association des patrons de presse à vrai dire).

Pour l’instant, il ne reste plus qu’une chose aux journalistes guinéens que nous sommes: être solidaire et résister. En oubliant toutes ces petites querelles d’égos qui minent la profession et en s’opposant à toutes ces mesures télécommandées. Il y va de notre survie collective.

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