22 août 2016

Combien d’âmes ont été englouties dans des manifestations de rue cette dernière décennie en Guinée ? De la dizaine de morts en juin 2006 dans la contestation lycéenne, aux plus de 150 tués dans le massacre du 28 septembre 2009, en passant par la centaine de jeunes tués lors de la grève de janvier 2007, personne ne saura vous le dire avec exactitude. C’est une évidence, l’Etat guinéen et ses dirigeants ont toujours eu la main très lourde dans la répression des contestations.

Pourtant, l’espoir que cette impitoyable et systématique répression cesse était permis avec l’arrivée au pouvoir du Pr Alpha Condé, opposant historique pendant longtemps persécuté. Cinq ans après, l’heure est au désenchantement pour moi. Surtout que ce vendredi 15 mai 2015, j’ai assisté à l’inhumation des 63ème et 64ème jeunes tués dans les manifestations de rue de l’opposition sous la présidence de l’ancien opposant. Les six marches organisées par les opposants depuis le 20 avril pour demander l’inversion du calendrier électoral, se sont soldées par une demi-dizaine de morts. Le scénario se répète. Sauf que ce n’est plus la garde présidentielle qui tire sur les manifestants, mais la police et la gendarmerie nationale.

Après chaque manifestation, les partisans de l’opposition et ceux du pouvoir se livrent une véritable bataille médiatique autour du bilan et des circonstances de la mort des manifestants. Quand les premiers ne font qu’accuser en se dédouanant de toute responsabilité, les seconds nient tout en bloc. D’ailleurs, pour ces derniers, les forces de l’ordre ne sont jamais armées lors des manifestations et ne tirent donc pas. C’est plutôt les manifestants armés de fusils de chasse, d’armes blanches et de frondes qui agressent les forces de l’ordre. Au-delà de cette polémique, tous les observateurs connaissent la réalité. La police et la gendarmerie tirent parfois sur des manifestants le plus souvent très violents. Et cela sans qu’aucune enquête impartiale ne soit menée pour situer les responsabilités des uns et des autres.

Pire, certains hauts responsables versent carrément dans le déni. J’ai été choqué par les propos du président de la république sur une chaine internationale après la mort d’un jeune dans une manifestation. Dans l’interview de quelques minutes, Alpha Condé a systématiquement défendu les forces de l’ordre qui selon lui font du « maintien d’ordre civilisée ». Il a continué cette prise de position jusqu’à nier la mort du manifestant pourtant annoncée par la presse nationale et internationale. Il s’était tout simplement ridiculisé et décrédibilisé devant de nombreux guinéens. Pour moi c’était claire, on ne pouvait tout simplement pas compter sur le premier magistrat du pays pour élucider cette affaire et punir les coupables de la forfaiture.

Ce qui m’écœure surtout, c’est la mollesse et la passivité devant cette situation de la société civile et de la plupart de mes compatriotes de plus en plus aveuglés par les passions politiques et ethniques. Pour moi, le mutisme de certaines personnalités non politiques s’apparente à une prise de position, car comme le dit Desmund Tutu «si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur ».

Nous ne sommes plus en janvier 2007 sous un régime militaire et dictatorial. Nous en 2015 dans un régime démocratique à la tête duquel se trouve un ancien professeur de Droit en France, « le pays des droits de l’homme ». Aucune personne ne doit mourir en manifestant (droit octroyé par la constitution) !

C’est simplement inacceptable que les guinéens continuent à croiser les bras devant la mort inexpliquée de certains de leurs fils dans les rues. L’assassinat des citoyens guinéens doit être la nouvelle ligne rouge qu’aucun dirigeant ne doit franchir.

Le décompte macabre doit être immédiatement arrêté par la volonté de tous les guinéens à changer cette situation. Leur insistance doit forcer les acteurs politiques à dialoguer de façon sincère pour trouver la solution à tous les problèmes et ainsi abandonner la violence. Cette même insistance doit obliger les gouvernants à inculquer aux forces de l’ordre le respect de la vie humaine. Et cela en apprenant à ces derniers que les manifestants, quelques soient leurs agissements, sont des citoyens qu’il faut protéger. Quant aux manifestants, il faut leur apprendre à voir les forces de l’ordre comme des protecteurs et surtout des garants de l’ordre public auxquels, il ne faut surtout pas s’en prendre. Il y va de l’avenir de la nation démocratique que nous envisageons de bâtir. Car la violence appelle toujours à plus de violence.

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