Prolifération des mouvements de soutien politique: halte à la démagogie !

Article : Prolifération des mouvements de soutien politique: halte à la démagogie !
Crédit:
22 août 2016

Prolifération des mouvements de soutien politique: halte à la démagogie !

Quand un guinéen lambda fait allusion au CRAC ou à JAVA, les citoyens cultivés du monde comme vous, comprendront sans doute, CRAC comme crack, c’est-à-dire un stupéfiant à base de cocaïne et JAVA comme une île composant l’Indonésie. A contrario, ses compatriotes qui suivent l’actualité politique nationale n’auront aucun mal à déchiffrer CRAC comme, Comité pour la Réélection du président Alpha Condé et JAVA comme, Jeunesse Active pour la Victoire d’Alpha, deux mouvements parmi la centaine qui soutiennent le président guinéen pour les élections de 2015.

Il faut dire que ces dernières années, la création de mouvements de soutien politique est devenu un véritable sport national dans lequel des personnes désireuses de s’afficher avec l’espoir d’obtenir une récompense politique rivalisent d’ardeur pour se faire remarquer.

Je ne suis pas contre le fait que des citoyens créent des mouvements pour soutenir une personne ou une cause. Cela est un signe de la vivacité de notre démocratie. Ce qui me sidère, c’est caractère démagogique flagrant, affairiste et très souvent extrémiste de ceux-ci. Avec des noms aussi originaux, bizarres que farfelus, ces mouvements sont le plus souvent le fruit de calculs politiques et des ambitions démesurées de certaines personnes. D’ailleurs je ne peux m’empêcher de sourire après avoir entendu le nom de mouvements comme: Akafo, Akakè (littéralement en langue malinké, il l’a dit, il l’a fait) faisant allusion aux « promesses tenues » du président ; Mouvement un Coup K.O ; Mouvement Alpha Soleil ; Mouvement après lui, c’est lui…

Le modus opérendi est presque le même pour tous. Ils sont cadres, jeunes responsables associatifs ou simple citoyens et se réunissent dans une structure autour d’une personnalité en vue (la plupart du temps un cadre ou un homme d’affaire) désireuse de prouver son amour pour le grand manitou. Rapidement, un nom est trouvé pour la structure et une cérémonie de lancement (conférence de presse, tournoi de football…), à laquelle ils invitent des ministres qui distribueront des liasses de billets, est organisée. Des banderoles sur lesquelles se trouvent des slogans provocateurs sont affichées dans les endroits les plus visités ville et les médias sont pris d’assaut pour flagorner et justifier toutes les décisions et actes du gouvernement. On est carrément plus loyaliste que le roi!

Certains de ces mouvements vont jusqu’à organiser des contre-manifestations et aider les forces à réprimer les marches de l’opposition. C’est le cas des soi-disant Chevaliers de la République qui ont fait parler d’eux lors des manifestations de 2013. Ils ont été même accusés d’avoir attaqué le domicile le chef du plus grand parti de l’opposition. De grandes violences en ont résulté.

Du côté de l’opposition, on assiste aussi à la création de mouvements, mais pas du tout au même rythme. Manquant de moyens, rares sont ceux qui sont actifs. Le Mouvement Tout sauf Alpha en 2015 (TSA) crée par le député de Kaloum en 2014 est sans doute le seul capable de rivaliser avec ceux du parti au pouvoir. Mais comme les autres, le nom de celui-ci, qui met trop l’accent sur la personne du président, et sa virulence me dérangent et me poussent à m’interroger : les guinéens veulent-ils tout sauf Alpha Condé ou quelqu’un qui fera mieux que celui-ci ?

En observant tous ces mouvements de soutien sur le terrain, l’observateur averti se rend aisément compte qu’ils desservent plutôt le camp présidentiel. Car composé de personnes réputées opportunistes aux yeux des populations, ils ne peuvent beaucoup mobiliser malgré les grands moyens dont ils disposent. Les élections légistratives de 2013 en sont une parfaite illustration. Le parti au pouvoir a perdu le scrutin uninominal dans les cinq communes de Conakry.

Je pense que ces mouvements démagogiques à travers leurs agissements desservent profondément la démocratie. Et a quelque mois des élections présidentielles, les autorités doivent se montrer fermes dans la prise de sanctions contre tout agissement antirépublicain. Un célèbre analyste politique guinéen a trouvé le qualificatif de « business man de la crise » pour désigner toute cette myriade de structures qui ne peuvent s’épanouir que dans un climat de crise, d’adversité et de défiance entre les acteurs politiques.

Étiquettes
Partagez

Commentaires