De l’atlantique aux grands lacs, la non-ingérence qui coûte chère aux innocents

Article : De l’atlantique aux grands lacs, la non-ingérence qui coûte chère aux innocents
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26 août 2016

De l’atlantique aux grands lacs, la non-ingérence qui coûte chère aux innocents

La théorie du mort kilométrique est l’une des premières choses qu’on m’ait apprises en classe de journalisme. Elle stipule que plus une information est proche de votre environnement, plus elle vous touche et intéresse. En gros, la nouvelle de la mort d’une personne dans mon quartier m’intéresse plus que celle qui concerne deux morts dans une autre ville ou dix dans un autre pays. Cette théorie a pendant longtemps permis aux médias occidentaux de rayer l’Afrique sur la carte mondiale de l’information. Bizarrement, le consommateur d’informations que je suis n’arrive plus à obéir à cette théorie depuis le début de la crise burundaise.

Burundiphilie

Alors que je me lasse des médias guinéens avec leur lot de mauvaises nouvelles, les médias internationaux qui traitent l’actualité burundaise deviennent mon attraction. Je me surprends à être aussi touché par la mort d’un jeune manifestant dans les rues Cibitoké que par celle d’un concitoyen renversé par une voiture en pleine Conakry.

Pourquoi ce regain de « Burundiphilie » ? Il m’a fallu du temps et de l’introspection pour trouver une réponse autre que ma fascination pour les frères jumeaux (le Burundi et le Rwanda). La ressemblance sur plusieurs points entre la crise burundaise actuelle et celle qu’a connu mon pays entre janvier et février en 2007 est à l’origine de mon intérêt pour ce qui se passe dans ce pays des grands lacs. Inconsciemment, j’assimile les jeunes qui bravent les balles à Bujumbura à mes grands frères qui ont ébranlé le régime du Général Lansana Conté.

Pour rappel, en janvier 2007 les syndicats guinéens déclenchent une grève générale illimitée pour réclamer entre autre l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et la nomination d’un premier ministre compétent et indépendant pour aider le président très malade à diriger le pays. Excédé par 23 ans de dictature et de mauvaise gouvernance, les guinéens adhèrent massivement à la grève et organisent de grandes manifestions dans tout le pays.

Et comme au Burundi, l’impitoyable répression menée par l’armée unie derrière son chef, n’a pu avoir raison de la détermination des manifestions. Le pouvoir sera même obligé d’instaurer l’état de siège et un couvre-feu sur tout le pays. Rien n’y fait. Les manifestations continuent. Le président acculé, accède aux principales revendications des syndicalistes. Le peuple a gagné. Mais à quel prix? Plus d’une centaine de morts, des centaines de personnes blessés ou arrêtés.

L’hypocrisie généralisée

Certes l’ampleur des manifestations, leur revendication et leur bilan macabre dans les deux crises sont différents. Mais les techniques de répression et la soif de démocratie des peuples sont identiques. Les forces de défense et de sécurité ont partout martyrisé leur population. Mais les citoyens convaincus de la noblesse de leur démarche ont résisté.

Et à chaque fois, la légendaire hypocrisie de ce qu’on appelle « communauté internationale » a prévalu. Qu’à fait cette communauté internationale quand la garde présidentielle guinéenne a tiré le 22 janvier 2007 sur des jeunes tentant de rejoindre le centre-ville de Conakry et quand la police burundaise a tué deux jeunes manifestants aux premières heures de la contestation? Les plus courageux mais pas moins hypocrites (les occidentaux) de ses membres ont publié des communiqués pour appeler au respect des droits de l’Homme. Comme si les communiqués comptaient pour les auteurs de ces exactions.

Les Etats africains du côté des oppresseurs

Les autres, c’est-à-dire les pays africains, ont préféré ne rien voir et se barricader derrière les principes de « souveraineté des Etats » et de « non-ingérence ». Sans démagogie, pouvons-nous parler de souveraineté alors que les tyrans dévissent sur leur peuple? Non, cent fois non. Car la souveraineté dont il s’agit n’appartient qu’au peuple qui l’exerce en choisissant entre autre ses dirigeants. Le principe de non-ingérence est quant à lui louable en période normale. Mais devant une situation comme celle de la Guinée en 2007 ou actuellement celle du Burundi, utiliser ce principe est une passivité qui coûte chère aux innocents. Je suis d’accord avec Mgr Desmond Tutu pour dire que quand vous êtes neutre devant une injustice, vous êtes du côté de l’oppresseur.

Avec des dirigeants aussi oppresseur les uns que les autres, les pays africains ne peuvent dire « stop » à un tyran qui opprime son peuple. Le dernier sommet des pays de l’Afrique de l’est qui est venu au secours du président burundais Pierre N’kurunziza en est la parfaite illustration. C’est naïf d’espérer que quelqu’un comme Yoveri Musseveri, chef du régime répressif ougandais dise au président burundais d’arrêter.

Des sanctions pour décourager

Néanmoins, je continue de penser qu’une plus grande fermeté de la communauté internationale à l’égard du régime de Pierre N’kurunziza l’aurait rapidement découragé à sévir contre ses citoyens. Le Burundi n’est pas la Russie pour résister à des sanctions économiques et diplomatiques. Selon un article de Radio France Internationale, 50% du budget de l’Etat burundais provient de l’aide extérieure. Couper donc cette aide fera sans doute lâcher du lest au régime. Mais avant d’en arriver là, les burundais, à l’image des guinéens en 2007, ne pourront compter que sur eux pour faire vivre la démocratie.

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