Le prix de l’incivisme

Article : Le prix de l’incivisme
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26 août 2016

Le prix de l’incivisme

Les mois de juillet et d’août sont synonymes de grandes pluies à Conakry. Mais pas seulement. Dans plusieurs quartiers, ces mois sont aussi une période de grande insalubrité et d’inondationsavec tout leur coronaire de maladies et dégâts.

Mon quartier n’échappe pas à ce triste sort. La grande route « le prince » (l’un des deux principaux axes routiers de Conakry) qui le traverse est submergée par les eaux à la moindre grande pluie. Ces eaux prennent complètement d’assaut la chaussée et la transforment en véritable marigot. Les images sont surréalistes.

Conséquence, des centaines d’automobilistes sont pris au piège. Souvent, une dizaine de véhicules tombent dans les caniveaux. D’autres, immobilisés par les eaux, se retrouvent dans l’incapacité de démarrer. Occasionnant ainsi des bouchons. Le spectacle de désordre est saisissant.

Je me suis pendant longtemps posé des questions sur les causes de cette situation. Et comme la plupart des habitants de mon quartier, j’ai d’abord pointé un doigt accusateur sur ceux qui ont construit cette route. Ils auraient effectué un travail de mauvaise qualité.

Mais aujourd’hui, sans les dédouaner à 100%, j’ai découvert ce qui est selon moi la principale cause de cette inondation: l’obstruction des voies d’évacuation des eaux par les ordures jetées par des citoyens. La présence d’une grande quantité d’ordure sur la chaussée après la pluie et le retrait des eaux le prouve à suffisance.

Avec un réseau de collecte des ordures très défaillant, la pluie continue à être vue par de nombreux citoyens comme une aubaine qui permet de se débarrasser des ordures ménagers. Ces citoyens attendent donc que des grandes pluies tombent pour déverser des ordures dans les conduites d’évacuations des eaux. Résultat, ces derniers sont obstruer et l’eau, ne pouvant plus passés, se fraye un chemin sur la chaussée.

En m’intéressant de plus près à ce comportement incivique, je me suis rendu compte que c’est l’ignorance et le manque d’informations qui conduisent certains personnes (pas tous) à agir de la sorte. L’exemple de ma voisine, qui n’a pas poussé les études mais n’est pas non plus analphabète, est illustrateur.

Il y a quelques semaines, je l’ai vu entrain de déverser des ordures dans un caniveau. Quand je lui ai demandé pourquoi elle faisait cela, elle m’a répondu : « mais voyons Alfa, je ne fais rien de mal ou d’anormal. Les eaux vont envoyer ces ordures loin de nous, dans l’océan ». J’avoue que sa réponse et sa sérénité n’ont irrité. Je m’attendais à ce qu’elle soit gênée.

Durant des dizaines de minutes, je me suis évertué à lui expliquer qu’il y a de forte chance que ces ordures soient bloquées et terminent leur course sur la route empêchant ainsi le passage des voitures. Et que l’océan lui-même a besoin d’être protégé de la pollution. Car de cela dépend la propreté de nos plages qu’elle aime tant.

Au début, elle me regardait avec étonnement comme si j’étais un extraterrestre. Mais au fur et à mesure que j’évoquais des exemples pour prouver ce que je disais, j’avais l’impression qu’elle comprenait mon message.

Maintenant, depuis qu’elle connait le prix élevé de l’incivisme, j’ai constaté un changement de comportement chez elle. J’en suis vraiment fier. Elle a par exemple souscrit un abonnement chez le jeune qui collecte les ordures tous les lundis dans le quartier et défend désormais à ses enfants (parmi les grands pollueurs du quartier) de jeter les ordures et autres déchets n’importe où.

Cette histoire avec ma voisine m’a permis de me rendre compte de l’étendue du travail qui reste à faire pour l’émergence d’un nouveau type de guinéen plus soucieux de son environnement. En même temps m’a donné la preuve qu’on peut changer les comportements quand on s’y met. Et cette phrase de François Rabelais : « l’ignorance est mère de tous les maux» continue à résonner dans mon esprit.

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