« Face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir » Boubacar Diallo, 25 ans

Article : « Face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir » Boubacar Diallo, 25 ans
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26 août 2016

« Face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir » Boubacar Diallo, 25 ans

Que serait devenu mon pays sans l’engagement de ces milliers de personnes décidées à barrer la route au virus Ebola? Un vaste cimetière! Le combat n’est certes pas encore terminé mais nous pouvons d’ores et déjà dire merci à tous ces médecins, sensibilisateurs, agents communautaires… qui continuent à se battre sur le terrain. Boubacar Diallo, un des jeunes actifs sur le front contre Ebola m’a accordé une interview. Lisez !

Peux-tu nous faire une brève présentation de toi ?

Je suis Boubacar Diallo, j’ai 25 ans. Je travaille au Centre de Traitement Ebola (CTE) de Donka au compte de Médecins Sans Frontières (MSF). Je suis hygiéniste et je fais partie de l’équipe WATSAN de ce centre en tant que chef agent d’entretien.

Quelles études as-tu fait ?

J’ai fait des études d’histoires. Je suis diplômé en relations internationales.

Il y a un grand fossé entre tes études universitaires et ton travail actuel d’hygiéniste. Quelles sont les grandes étapes que tu as eu à traverser ?

Je ne vois pas ce fossé. J’ai toujours évolué dans le domaine de l’humanitaire. J’ai eu mon premier diplôme de secouriste quand j’étais au lycée. J’ai aussi travaillé pour Action Contre la Faim (ACF) au Centre de Traitement Cholera (CTC) de Donka lorsque mon pays était frappé par une épidémie de choléra en 2012. J’ai bénéficié d’une formation de plusieurs semaines sur la prise en charge de l’épidémie d’Ebola avant de m’engager avec MSF.

Qu’est-ce qui t’a poussé à t’engager dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola aux côtés de Médecins Sans Frontières?

C’est surtout l’ampleur qu’était en train de prendre l’épidémie. J’ai assisté impuissant au développement de la réticence des populations. Cela a eu des conséquences catastrophiques. Et vu que la maladie était nouvelle, la peur qu’elle a suscité était grande au sein même des personnes qui, comme moi, avaient de l’expérience dans la lutte contre certaines épidémies comme le choléra avec la Croix-Rouge Guinéenne. Je me suis donc dit qu’il était de mon devoir de m’engager pour apporter mon aide aux nombreuses victimes. Car face à une menace comme Ebola, nous les jeunes devons impérativement agir.

Ebola est très contagieux et très mortel. N’as-tu pas eu peur de contracter cette maladie?

Au début j’avais peur comme tout le monde. Mais pour moi, cette peur venait en second lieu. Je voulais surtout aider. Cette peur a brusquement disparu après la formation que j’ai reçue avec Médecins Sans Frontières. Je me suis aperçu qu’avec toutes les procédures de sécurité, le Centre de Traitement Ebola était un lieu sûr.

As-tu été victime de stigmatisation dans ta communauté ?

Non. Mais j’avoue que certains de mes proches ne savent pas que je travaille au CTE. C’est pour les protéger car ils risqueraient de s’affoler. Je dois dire que je suis plutôt bien vu par certains membres de la communauté.

En quoi consiste le travail d’hygiéniste ?

Le travail d’hygiéniste est un travail difficile mais nécessaire dans le traitement des malades d’Ebola. L’hygiéniste s’occupe de l’eau qui est essentielle pour le fonctionnement du centre. Il met donc le chlore dans toutes les eaux en dosant la quantité selon leur utilisation. Par exemple, la concentration en chlore de l’eau utilisée dans la zone à bas risque (0,05%) est différente de celle utilisée dans la zone des cas confirmés (0,5%). Il désinfecte aussi les salles et guide parfois les malades.

Quelles sont les qualités essentielles pour un hygiéniste ?

La prudence et la rigueur. Ce sont les premières qualités. Car dans ce travail, la moindre erreur peut coûter très cher. Le respect scrupuleux des règles de sécurité est obligatoire. Il faut aussi avoir le sang-froid et être serein. Ces dernières qualités valent pour tous les travailleurs dans les CTE, des hygiénistes aux médecins. Au moins 15 minutes sont nécessaires pour enfiler l’équipement de protection personnelle (combinaison) et 15 autres pour se déshabiller.

Quelques mots qui décrivent une journée typique de travail

Pulvérisation, désinfection, chloration, timer, rotation…

Qu’est-ce qui t’a le plus touché dans ton travail ?

La mort d’un jeune atteint d’Ebola avec qui j’avais noué des liens d’amitiés au cours de son séjour au CTE. Je l’ai rencontré quand il était dans la zone des « cas probables ». Il était très ouvert et avait peur. Je l’ai naturellement rassuré. On a commencé à discuter de foot, c’était un supporteur du Real de Madrid comme moi. J’avais presque oublié que je ne devais pas passer plus d’une heure dans la salle d’isolation. Le lendemain, il avait été transféré dans la zone des « cas confirmés » et son état s’était dégradé. Il a eu du mal à me reconnaître. J’avoue que ce n’était pas facile avec la combinaison que je portais. Nous avons quand même eu une bonne conversation. Le jour suivant j’étais pressé de le revoir. Mais quand j’ai ouvert le registre des décès, c’est son nom que j’ai vu en premier. J’ai eu les larmes aux yeux.

Et ta plus grande satisfaction ?

Ma plus grande satisfaction, c’est le sentiment d’avoir servi et aidé des semblables. Et je pense aussitôt au regard de cette fille de 15 ans atteinte d’Ebola. Ses parents sont morts sous ses yeux. Mais elle a vaincu Ebola, et quand on l’a autorisé à quitter le centre, elle a refusé et a préféré rester auprès de son petit frère dans la zone d’isolation. Celui-ci s’en est aussi sorti. Et le regard plein de dignité qu’elle avait est pour moi le symbole de la victoire de la vie sur la mort. Ce regard m’a rendu fier et m’a encouragé. Je veux vous épargner ces histoires dramatiques. Mais malheureusement Ebola est un puissant générateur de drame humain. On ne peut en parler sans parler de drame.

Ebola a été vaincu au Libéria. Selon toi qu’est-ce qui coince en Guinée ?

Nous avons eu dès le début un problème de communication. Les premières communications de nos autorités n’étaient pas du tout adaptées. Quand tu dis à des populations en grande majorité analphabètes qu’Ebola n’a pas de remède, que la maladie est incurable, tu ne peux plus leur dire de venir à l’hôpital quand elles ont une maladie. Pour elles, c’est une perte de temps. Elles vont donc préférer les garder à la maison ou les emmener chez les charlatans. Ensuite, il y a eu beaucoup d’autres fautes commises dans la gestion de l’épidémie. Cela a développé la réticence chez les populations. Aujourd’hui il est difficile de rectifier le tir.

Tu es optimiste ?

Très optimiste. En finir avec cette maladie n’est qu’une question de semaines. Au moment où je vous parle, il n’y a que 6 cas suspects au CTE de Donka. Eviter de nouvelles contaminations est l’ultime objectif de tous ceux qui interviennent dans cette lutte. Pour ce faire, les populations doivent entièrement collaborer.

Justement, as-tu un message pour ces populations qui s’en prennent aux équipes qui luttent contre Ebola?

Oui. Moi je mets toute cette violence contre nos équipes sur le compte de la désinformation. Nous devons tous combattre les rumeurs avec plus de vigueur. Je dis à mes compatriotes qu’Ebola est une maladie nouvelle très meurtrière qui continue à sévir dans notre pays. Elle a bouleversé nos coutumes, mœurs et habitudes. Mais il faut laisser les équipes chargées de la lutte travailler. La violence ne fera que contribuer à la propagation de la maladie.

Un dernier mot pour les jeunes du monde entier qui te lisent.

Faites ce que vous aimez et armez-vous de courage. C’est le meilleur moyen de vous épanouir.

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