Une autre chance d’être le Mandela guinéen

Article : Une autre chance d’être le Mandela guinéen
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26 août 2016

Une autre chance d’être le Mandela guinéen

Le président Alpha Condé a entamé ce 21 décembre, son second mandat à la tête de la Guinée. Une véritable seconde chance de rentrer dans l’histoire donnée par le peuple de guinéen à cet opposant historique.

S’il y a une personnalité à laquelle le président guinéen Alpha Condé a toujours rêvé ressembler, c’est bien Nelson Mandela. En décembre 2010, juste après sa première investiture, il annonçait aux guinéens qu’il sera le « Mandela de la Guinée ». Une manière de dire qu’il va rassembler les guinéens divisés par des querelles politiques et ethniques.

Il faut reconnaître que les deux hommes ont des points de similitudes. Opposants historiques, tous ont été, à des degrés divers, victimes de brimades et d’emprisonnement de la part de leurs adversaires. Mais si un mandat a suffi à Mandela pour unir les sud-africains profondément divisés par des décennies de ségrégations raciales, c’est loin pour l’instant d’être le cas de son adepte Alpha Condé. Un petit aperçu sur ses cinq premières années aux pouvoirs permet d’illustrer ce qui est une évidence aux yeux de nombreux de guinéens.

Un pays toujours divisé

L’histoire de la Guinée a été ponctuée par de nombreux soubresauts qui ont accentué les fractures et les divisions entre les différents éléments de la société. L’élection présidentielle de 2010 après près de 25 ans de dictature a connu une exaspération de ses divisions principalement sur le plan ethnique. Alpha Condé sortant victorieux de cette éprouvante confrontation aux allures de duel entre Peulhs et Malinkés, savait plus que tous, qu’il fallait rassembler. D’où sa promesse d’être « le Mandela de la Guinée ».

Malheureusement, les actes sont allés dans le sens contraire. Les propos du président en début de mandat étaient tout saufs rassurant pour les guinéens qui n’ont pas voté pour lui.

Alpha Condé a un grand défaut, il ne s’entoure pas de diplomatie pour dire cru ce qu’il pense même si cela offense une bonne partie de ses compatriotes. Comme en mars 2010 à Kindia où il traite les commerçants supposés acquis à son rival Cellou Dalein Diallo de « tortues » dont il faut mettre le feu au derrière et les accuse de rendre le pays cher. Ce genre de propos, pas digne d’un Nelson Mandela, pullule durant son mandat.

Au-delà des discours, les divisions ont surtout été entretenues par le bras de fer qu’il a eu avec ses opposants autour du processus électoral durant presque tout son premier mandat. Les uns et les autres n’ont cessé de se livrer des batailles féroces sur des sujets comme le fichier électoral et la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante). Sujets, je l’admets, très éloignés du quotidien des guinéens. Mais toujours est-il que l’opposition à utiliser à fond l’une des seules cartes qu’elle a pour faire fléchir le pourvoir : les manifestations de rue. Le bilan est lourd, plus de 60 morts en 5 ans.

Les affrontements aux relents ethniques qui ont opposé les militants des deux principaux partis politiques à la veille de la présidentielle du 11 octobre, sont l’illustration de cette division des fils de la nation à laquelle le président n’arrive toujours pas à mettre fin.

Un bilan mitigé

La grande amélioration de la desserte électrique à Conakry et dans les villes avoisinantes grâce à la réalisation du Barrage de Kaléta est sa plus grande réussite du président. Sans doute celle qui a permis sa victoire dès le premier tour (57%).

Sur le plan des infrastructures hôtelières, de nombreux hôtels ont été construits ou sont en construction à Conakry. Je suis d’accords avec les opposants qui affirment haut et fort que « ce ne sont pas ces hôtels que les guinéens vont manger ». Mais j’ajoute que ces établissements vont contribuer à changer l’image du pays et attirer les visiteurs et autres investisseurs. C’est peu, mais ce n’est pas rien.

En ce qui concerne la lutte contre la corruption et le détournement des deniers publics, je suis resté sur ma faim, très déçu parfois. Les multiples scandales de corruption non (ou peu) punis ont eu raison de l’image d’homme rigoureux que j’avais du président Condé.

Ma déception a été grande quand je l’ai vu, lui l’homme qui a passé son temps à dénoncer la dilapidation des ressources de l’Etat par ses prédécesseurs, distribuer des liasses de billets de banque à l’intérieur du pays juste avant la dernière campagne électorale. Je suis sûr que Mandela aurait désapprouvé un tel acte.

Entre doute et espoir

Je doute de la capacité d’Alpha Condé à délaisser son manteau d’opposant qu’il n’a pratiquement pas quitter durant son premier mandat et devenir un président rassembleur comme son model Mandela. L’homme est réputé être un redoutable politicien qui passe son temps à rouler ses adversaires. En même temps, certains signaux me donnent l’espoir.

Conscient des ratés de son premier mandat, Alpha condé semble vouloir changer sa manière de gouverner. Lors d’une réunion de son parti, le RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée) il affirmé que son second mandat sera diffèrent du premier avant de mettre en garde tous ces cadres qui passent par tous les moyens, même par l’instrumentalisation de ses militants, pour obtenir des postes. « Je ne dois ma réélection qu’au peuple de Guinée » a-t-il dit.

En observant les actes qu’il a posés depuis sa réélection, on sent bien cette volonté de changer. Contrairement à son premier mandat, il a pour l’instant limogé tous les cadres qui ont été incapable de gérer des évènements qui ont ensuite mal tourné. Les premiers à faire les frais de cette nouvelle attitude de « Sékoutoureyah » sont des fonctionnaires du ministère de l’information et de la RTG (Radio Télévision Guinéen) incapables de diffuser en direct la proclamation des résultats définitives du scrutin du 11 octobre. Depuis, le ministre de la sécurité, le secrétaire aux affaires religieuses et des administrateurs territoriaux ont été relevé de leur fonction pour avoir mal gérer des évènements notamment un conflit religieux dans une localité du pays.

Aussi, le président est en train de se reprocher de ses opposants contraints à l’exil lors de son premier mandat. Certains comme Diallo Sadakadji et Tibou Camara ont déjà été autorisé à rentrer au pays. J’ose croire qu’il n’y aucun calcul politique malsain derrière ces actes salutaires pour l’apaisement de la situation politique.

Alpha Condé doit comprendre que ce mandat est sa dernière chance. Il a le choix entre rallonger la liste des piètres présidents africains qui n’ont rien apporté à leur peuple ou rentrer dans l’histoire par la grande porte Comme Nelson Mandela en étant celui qui a réconcilié ses compatriotes et a mis la Guinée sur la route du développement. Je prie Dieu pour qu’il opte pour le second choix.

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