Le livre, un secteur délaissé par les autorités guinéennes

Article : Le livre, un secteur délaissé par les autorités guinéennes
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22 août 2016

Le livre, un secteur délaissé par les autorités guinéennes

Les 23, 24 et 25 avril s’est tenue la 7ème édition des 72 heures du livre à Conakry. Durant ces trois jours, le livre était au cœur des préoccupations des pouvoirs publics et acteurs du secteur présents au Centre Culturel Franco-Guinéen et à la Bluezone de Kaloum. L’occasion pour moi de m’interroger sur ce secteur très important pour l’avenir de la nation, pourtant situé loin des priorités de nos gouvernants.

Je l’avoue, la situation dramatique du livre et celle de la desserte en électricité alimentent ma rancœur contre tous ceux qui ont dirigé mon pays et ceux qui le dirigent actuellement. Je ne peux comprendre leur désinvolture face à toutes ces universités sans livres, à toutes ces villes sans bibliothèques. Le discours fleuve du premier ministre, Mohamed Said Fofana, à l’ouverture de ce grand rendez-vous du livre dans lequel il promet, une nouvelle fois encore, des bibliothèques publiques à l’intérieur du pays, n’a rien diminué à mon amertume. Qu’aurait-il pu faire d’autre que des promesses? Depuis 4 ans que son gouvernement est en place, très rares sont les actions concrètes qu’il a entrepris pour rendre plus accessible le livre.

Dans un pays comme la Guinée, où la pauvreté est présente partout, l’installation de bibliothèques publiques est, selon moi, le moyen le plus facile de donner aux jeunes la chance d’accéder aux livres. Sur ce plan, les autorités se sont quasiment désengagées. Visitez la bibliothèque nationale de Guinée et vous comprendrez ma frustration. D’ailleurs, la situation du livre est à l’image de cette bibliothèque, qui depuis 1987 n’a pas de local adéquat et était fermée au public. C’est seulement en 1999 qu’elle a été affectée dans un bâtiment du vétuste musée national de Sandervalia et a recommencé à recevoir le public. Aujourd’hui, on parle de la construction d’un nouvel édifice pour l’abriter, mais déjà une bonne partie de ses documents historiques s’est détériorée.

Conséquence de l’incurie des pouvoirs publics, les rares bibliothèques disponibles et répondant aux normes à Conakry ont toutes vues le jour et fonctionnent grâce à l’aide de pays étrangers. Il s’agit principalement de la bibliothèque du Centre Culturel Franco-Guinéenne et de celle de l’ambassade américaine. On ne parle presque pas de bibliothèques scolaires. Seuls quelques grands établissements privés ont les moyens d’offrir une petite bibliothèque à leurs élèves. Pour les autres élèves moins chanceux, le livre se limite aux quelques manuels qu’ils ont eu à feuilleter en classe. Les romans et essais des écrivains guinéens et étrangers sont un luxe pour ces apprenants. Les bacheliers ayant fait tout leur cycle secondaire, sans avoir intégralement lu un seul roman, ne sont pas rares. Que dire de toutes ces universités privées ne disposant même pas d’une salle de lecture ? La situation est alarmante et m’inquiète beaucoup.

Je le dis tout net, si contrairement au cinéma, on continue à encore parler du livre en Guinée, ce n’est pas grâce au gouvernement, dont le souci se situe à mille lieux de la construction d’infrastructures permettant aux guinéens de lire. Cela est à mettre à l’actif du dynamisme de structures non étatiques, comme la maison d’édition Harmattan Guinée qui organise les 72 heures du livre et se bat pour réduire le prix des livres pour les guinéens. Les associations, qui se battent pour construire des bibliothèques communautaires à l’intérieur du pays et pour promouvoir la lecture chez les plus jeunes, y sont aussi pour beaucoup.

Deeriye, personnage principal du roman « Sésame ferme-toi » du somalien Nuruddin Farah affirmait « …maintenez le peuple sous informé, afin d’en être les maîtres ; séparez les gens en les informant séparément ; dressez des barreaux d’ignorance autour d’eux, emprisonnez les dans les fers de l’ignorance et ils seront faciles à gouverner… ». C’est par cet angle que je vois l’attitude de nos gouvernants. Ils ont peur de favoriser l’émergence d’une nouvelle catégorie de jeunes citoyens informés et formés qui constituera une menace certaine pour eux. Ils veulent des gens qui continueront à les applaudir quelque soit ce qu’ils diront.

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